Jusqu’au 31 mars prochain, il sera impossible pour tout locataire de se faire expulser de son logement, même en cas d’impayés de loyer. Les fournisseurs d’énergie n’ont pas le droit de couper l’eau, l’électricité et le gaz.
La trêve hivernale, c’est d’abord une histoire. Le dispositif a été mis en place au lendemain de l’après-guerre par une loi de décembre 1956, après l’appel de l’abbé Pierre et la vague de froid sans précédent de 1954 qui avait conduit au décès de plusieurs sans-abris et personnes récemment expulsées. Le principe de cette trêve ? Sanctuariser les logements de l’automne au printemps pour les publics fragiles et précaires.
Aujourd’hui, la période s’étend du 1er novembre au 31 mars de l’année suivante. Concrètement, cela se traduit par une interdiction pure et simple pour un bailleur de faire expulser son locataire, même s’il n’a pas payé son loyer, et une interdiction pour les fournisseurs d’énergie et collectivités de couper l’électricité, l’eau ou le gaz, même si le locataire ne paye pas ses factures. Toutefois, ces mêmes fournisseurs peuvent réduire la puissance fournie. Et quoi qu’il arrive, les sommes restent dues : les entreprises pourront poursuivre en justice les mauvais payeurs.
Tous les locataires sont concernés par la trêve hivernale, indépendamment de leur situation personnelle et de leurs ressources. En revanche, elle ne concerne pas des squatteurs qui occuperaient illégalement un immeuble ou une maison. Elle ne s’applique pas non plus en cas d’expulsion du domicile conjugal ordonnée par le juge dans un contexte de violences ou de divorce.
Expulser, une procédure longue et fastidieuse
Si la trêve hivernale vise à protéger les locataires, elle n’enlève pas pour autant certains droits aux bailleurs. Ils ont toujours la possibilité d’entamer les démarches pour obtenir un jugement d’expulsion. En revanche, ce dernier ne sera applicable qu’à la fin de la trêve, c’est-à-dire au 1er avril. Attention, un bailleur n’a pas le droit de procéder lui-même à l’expulsion d’un locataire : il encourt une peine de trois ans de prison et une amende de 30 000€.
Pour faire expulser un locataire pour impayés de loyer, la procédure est longue, entre six mois et un an. Dans un premier temps, le bailleur doit prouver qu’il a relancé plusieurs fois par courrier son locataire pour réclamer le loyer. Il doit aussi faire délivrer au locataire un “commandement de payer” par huissier. S’il ne s’est toujours rien passé deux mois après cet envoi, le bailleur peut saisir le tribunal d’instance. Cette deuxième étape prend aussi du temps puisqu’une fois le juge saisi, ce dernier doit prononcer officiellement la résiliation du bail et l’expulsion, ce qui peut prendre quelques semaines. Le locataire dispose ensuite d’un mois pour faire appel de la décision de justice. Une fois ce dernier délai écoulé, un huissier peut transmettre au locataire un “commandement de quitter les lieux”, dont la date est fixée deux mois plus tard. Si le locataire n’est pas parti à la date indiquée, l’huissier pourra faire appel à la police pour le forcer à quitter le logement.
Novembre 2021